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Manipulation
Introduction : Extrait du rapport IGEN sur la maternelle (2012)
« …, dans les classes, on produit beaucoup : les fiches semblent des « supports sérieux » mais on n’échappe pas au risque que la production se substitue à l’apprentissage. Avec de jeunes enfants, s’il n’y a pas un ancrage dans la manipulation, dans la progressive symbolisation à partir de l’observation, de la manipulation ou du « vécu », il y a de fortes chances que l’on aboutisse non pas à une formalisation de l’expérience (les mots prenant sens à partir de l’expérience) mais à un formalisme dénué de sens pour les enfants et qui ne laissera ni trace ni structure en mémoire. »
Qu’est-ce que la manipulation ?
« Il est très facile de repérer la différence entre le "tripotage", où les gestes sont fortuits et l’esprit de l’enfant ailleurs, et la manipulation, qui est une activité des mains guidées par un raisonnement, une pensée qui organise l’action. Avec un peu de pratique, on peut même souvent déterminer le raisonnement en observant la manipulation. » (Catherine Berdonneau ; Mathématiques actives pour les tout-petits ; Hachette)
Manipuler, c’est agir sur des objets, les soumettre à différentes actions. Cela implique que les objets en question soient adaptés à la taille de l’enfant mais aussi que ses gestes sont guidés par une volonté précise.
Manipuler permettra d’anticiper les résultats de son action.
Pourquoi manipuler ?
-Intérêts pour les élèves :
La manipulation est fondamentale pour l'enfant car :
-elle répond à un besoin de sensorialité,
-elle permet, grâce à un apprentissage multi-sensoriel, de communiquer sur le canal sensoriel privilégié par chaque élève (gestion mentale, profils pédagogiques, « intelligences multiples »)
-elle canalise l'attention et centre cette attention sur ce qui constitue l'essentiel de l'apprentissage, à savoir l'élaboration des concepts
- une occasion de dépasser les essais/erreurs car ne laissant pas de traces ils sont plus facilement dépassés.
-elle le libère de la plupart des tâches annexes, en particulier celles liées à la lourdeur de l'acte graphique
-du fait de la rapidité des actions, elle offre la possibilité d’expériences nombreuses.
Intérêts pour l’enseignant :
Elle est précieuse pour l'enseignant, car c’est:
-un indicateur de la vigilance (même face à un enseignant débutant, il est très difficile à un enfant de « faire semblant », dans une telle situation)
-un outil de mise au travail effective de l’élève
-un support fiable pour reconstituer le raisonnement suivi par l’élève en observant le déroulement de la manipulation
-un outil d'aide à l'élaboration des représentations mentales
-un dispositif fournissant une évaluation sûre et généralement aisée.
- facilitateur de la gestion de l’hétérogénéité de la classe,
Réflexions fondamentales
Quelques extraits pour faire réfléchir :
« Comme l’écrivent Inhelder, Sinclair et Bovet, (1974) « être actif cognitivement ne se réduit pas, bien entendu, à une manipulation quelconque. Il peut y avoir activité mentale sans manipulation, de même qu’il peut y avoir passivité en manipulant. » (p. 112).
"Laisser l’élève être autonome trop tôt s’avère bien souvent contre-productif du point de vue des apprentissages parce que, comme le montrent Charlot et al., (1992) et Rochex, (1995, 1997b), il ne suffit pas d’égaliser la rencontre avec les tâches pour égaliser la manière dont les élèves se représentent leur utilité d’un point de vue personnel et social. Or, le sens et la finalité que l’élève assigne à une tâche influencent fortement le type de traitement qu’il met en œuvre. Et c’est ainsi que certains s’appliquent à colorier des étoiles et à tracer des chemins sur la piste d’un cirque entre des lions et leurs tabourets, tandis que d’autres, sur le même matériel, s’attachent à réussir des activités de dénombrement et de correspondance terme à terme ; alors que les premiers traitent la surface des problèmes, les seconds sont capables d’en abstraire la structure logico-mathématique (Goigoux, 1997). On peut donc conclure que l’action de l’élève (l’application de procédures) ne suffit pas en elle-même et n’est indispensable que comme point de départ et d’appui au service de l’abstraction réfléchissante. »
« Lorsqu’on sait que ce sont justement les élèves les moins performants qui se laissent le plus spontanément guider par leurs perceptions (Dolle,1994) et qui adoptent le plus facilement un mode de fonctionnement associatif extrinsèque (Paour et Asselin de Beauville, 1998), il paraît contre-indiqué de multiplier et de prolonger les manipulations. De plus, si on le fait, on laisse croire aux élèves qu’il suffit d’agir pour apprendre : par là on contribue à les leurrer sur la nature du travail intellectuel et des activités cognitives à mettre en œuvre pour apprendre et réussir à l’école (Charlot et al., 1992 ; Rochex, 1995 ; 1997 ; Rochex et Ouzoulias,1998). »
« Le support de manipulation ne contient pas le savoir, l’apprentissage nécessite une médiation de l’enseignant : c’est grâce à la manière dont le maître exploite les supports que l’élève va pouvoir assimiler la connaissance correspondante. »
Sources / Textes de référence:
Documents d’application des programmes, mathématiques, cycle des approfondissements, C.N.D.P., 2002
BART B.-M. : L’apprentissage de l’abstraction ; Retz, 1994
BERDONNEAU C. : conférences diverses,
BERDONNEAU C. : « Mathématiques actives en Section de Tout-Petits » ; Hachette, 2005
CERQUETTI-ABERKANE F. : Enseigner les mathématiques à l’école ; Hachette, 1992
GARDNER H. : Les intelligences multiples ; Retz, 1996
GOIGOUX : les malentendus sur l’enseignement du langage
GOIGOUX R., CEBE S. : L’influence des pratiques d’enseignement sur les apprentissages des élèves en difficulté – cahier A Binet : http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/53/26/13/PDF/Binet_99.pdf
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